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La faisabilité juridique des différentes possibilités d’évolution de la réponse graduée

21 février 2018

L’Hadopi publie l’étude relative à l’évaluation juridique des diverses propositions de modification de la procédure de réponse graduée.

Elle a été réalisé, à la demande de l’institution, par Louis Dutheillet de Lamothe et Bethânia Gaschet, maîtres des requêtes au Conseil d’État. Si l’instruction par l'Hadopi des dossiers  de téléchargement illégal s’impose pour qualifier l’infraction, les évolutions possibles quant aux modalités de sanction de cette infraction (sanction administrative, amende forfaitaire, transaction pénale) s'avèrent juridiquement envisageables.

Le président de l’Hadopi avait saisi en août dernier deux membres du Conseil d’État afin d’étudier la faisabilité juridique des évolutions du dispositif de réponse graduée proposées par les acteurs de la lutte contre la contrefaçon au regard des exigences résultant tant de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que de celle de la Cour de justice de l'Union européenne.

L’étude analyse l’infraction de négligence caractérisée, quant à sa définition et aux modalités de sa constatation, examine les conditions de mise en œuvre de la procédure de réponse graduée et ses éventuelles améliorations, décrit le dispositif existant de sanction de l'infraction et évalue ses possibles évolutions. Ainsi, l’étude envisage, pour en apprécier la viabilité juridique, la création d’une sanction administrative ainsi que la possibilité de sanctionner pénalement la contravention de négligence caractérisée en recourant à la voie de l’amende forfaitaire ou de la transaction pénale confiée à une autorité administrative indépendante.

L'examen de la phase pédagogique de la réponse graduée, qui se traduit par des avertissements à l'internaute pour lui signifier qu'a été constatée la mise à disposition de téléchargements illégaux depuis son accès à Internet et pour lui recommander la mise en œuvre de moyens de sécurisation de cet accès, conduit les auteurs de l'étude à estimer qu'il est indispensable, pour que puisse s'engager la phase de caractérisation de l'infraction, que soient maintenues tout ou partie des étapes d'avertissements. L'étude constate que, sur le strict plan juridique, rien ne s'oppose néanmoins à  ce que ces étapes soient plus resserrées, par diminution du nombre de recommandations. En outre, elle remarque que les modalités d’envoi des recommandations pourraient être adaptées (utilisation de l’adresse électronique usuelle de l’abonné ou plus grand recours aux lettres simples). Enfin, est suggéré, afin d'améliorer l'efficacité de cette phase pédagogique, que les recommandations transmises à l'internaute puissent lui indiquer le contenu des œuvres ayant fait l'objet d'un constat de téléchargement illégal, ce que ne permet pas la loi actuellement.

Pour ce qui est de l'infraction de négligence caractérisée, l'étude aboutit à la conclusion qu'il est difficile, en l’état des technologies, de modifier profondément l’équilibre actuel des dispositions législatives régissant cette infraction : celle-ci est complexe et une instruction au cas par cas s'avère nécessaire à sa caractérisation.

En revanche, à l’issue de la phase de caractérisation de l’infraction, des évolutions du mode de sanction sont possibles.

L’étude s’intéresse notamment à la possibilité de confier à l’Hadopi un rôle dans la procédure pénale en lui permettant, après avoir constaté que l'infraction de négligence caractérisée était constituée, soit d'adresser à l'internaute contrevenant une amende forfaitaire pénale dont le paiement par celui-ci aurait pour effet d'éteindre l'action publique, soit de lui proposer une transaction pénale consistant dans le versement d'une amende. Dans cette dernière procédure, la transaction ne peut produire ses effets que si elle est acceptée par le contrevenant et homologuée par le procureur de la République. Les auteurs de l'étude estiment, qu'il s'agisse de l'amende forfaitaire pénale ou de la transaction pénale, que de tels dispositifs ne seraient pas inconstitutionnels. Mais, concernant l'amende forfaitaire pénale, ils soulignent que cette procédure constituerait une innovation en ce qu'elle pourrait conduire à confier à une autorité administrative indépendante un pouvoir de police judiciaire. Concernant la transaction pénale initiée par une autorité administrative indépendante, ils remarquent que cette configuration n’a aucun précédent et aurait pour conséquence de mêler encore davantage les formes de la répression administrative et de la répression pénale.

L'étude s'attache, enfin, à expertiser la validité d'une réponse répressive qui prendrait la forme d'une sanction administrative, mais uniquement pécuniaire. À cet égard, certaines contraintes juridiques qui avaient pu être présentées comme limitant fortement toute possibilité d’évolution en ce sens semblent aux deux membres du Conseil d'Etat devoir être relativisées. La jurisprudence constitutionnelle ne leur apparaît pas, en effet, condamner irrévocablement l’instauration d’une sanction administrative, y compris en continuant à laisser aux ayants droit la charge de procéder aux constats de contrefaçon, pour autant que cette procédure de sanction administrative soit assortie de garanties appropriées.


Retrouvez l'ensemble de l'étude juridique en cliquant ici.

 

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