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Le troisième acte de l'Hadopi

7 décembre 2021

L’acte 3 est, dans la structure narrative, celui de la résolution. Le temps où le protagoniste échoue ou réussit. L’Hadopi est aujourd’hui préservée dans ses missions et renforcée dans ses moyens : qui l’eût cru? Le troisième acte de l’Hadopi, c’est la création de l’Arcom.

L’Hadopi est créée le 12 juin 2009 : précédé de débats houleux et de coups de théâtre en coulisse, ce premier acte met en scène une institution nouvelle, aux missions ambitieuses et controversées.

Très vite, la scénographie du piratage culturel se transforme et le rôle confié à l’Hadopi se révèle étriqué face à l’ampleur de l’évolution des usages. La galerie de ses détracteurs, qui ne se contente pas de se tenir derrière le rideau, s’en réjouit, et l’Hadopi déçoit son plus fidèle public.

L’acte II de l’exception culturelle, rapport remis par Pierre Lescure au Président de la République d’alors, s’ouvre comme étant le dernier de l’Hadopi. « L’Hadopi, c’est fini », titre-t-on précipitamment, pour décrire ce qui s’annonce, faute de collège complété et de budget renouvelé, comme une lente agonie. Ni supprimée, ni conservée, protagoniste quantique d’une intrigue plus absurde que tragique, l’Hadopi choisit de ne pas attendre et de prendre sa liberté telle que Montesquieu la décrit : « le droit de faire ce que la loi permet ».

Cet esprit a guidé l’action de l’institution pendant plusieurs années. Elle a fait une interprétation dynamique de ses missions légales pour donner son effet utile à la loi. Elle s’est appliquée à les mettre en œuvre en recherchant toujours le juste équilibre entre la protection des droits des créateurs et ceux des utilisateurs. Dans le canevas fixé par le législateur mais dans un décor en constante révolution, ses équipes ont recherché, inventé, évolué. A la faveur de leurs péripéties, elles ont déployé une expertise technique et juridique unique, reconnue en France et à l’étranger, des méthodes de travail agiles, un engagement très personnel au service des missions qu’elles défendent et, je crois, un supplément d’âme qui les anime et les lie.

Et puis à l’aube d’une première décennie d’action, portée par une gouvernance audacieuse, l’Hadopi est enfin revenue du lointain. A la menace, elle avait répliqué par une action efficace et rempli la mission que lui avait confiée le législateur : protéger la création sur internet et contribuer à sa diffusion.

Elle a agi contre le piratage culturel en mettant en œuvre les deux versants de la réponse graduée - l’un pédagogique, puis lorsque la pédagogie n’agit plus, celui de la procédure pénale - en développant des actions de sensibilisation pour mieux faire connaitre les enjeux du droit d’auteur, en accompagnant le développement de l’offre légale, en mettant à disposition des professionnels et des ayant-droits des études détaillées permettant régulièrement la détection d’usages émergents. Depuis 2009, l’Hadopi a été ainsi à l’écoute des évolutions de son environnement pour que soit mieux partagée la culture en ligne, par et avec son public.

Intéressée aux solutions proposées ailleurs dans le monde, elle a pris le temps d’imaginer des dispositifs de régulation susceptibles de mieux assurer la protection des œuvres dans l’univers numérique. Ces méthodes de régulation, toutes retenues par le législateur pour élaborer son nouveau scénario de protection de la création en ligne, donneront du souffle à l’action de l’autorité publique.

L’acte 3 est, dans la structure narrative, celui de la résolution. Le temps où le protagoniste échoue ou réussit. L’Hadopi est aujourd’hui préservée dans ses missions et renforcée dans ses moyens : qui l’eut cru ? Le troisième acte de l’Hadopi, c’est la création de l’Arcom. Le deus ex machina, venu du législateur avec de nouveaux outils pour mettre la protection de la création et sa diffusion sur internet à l’avant-scène.

Investie corps et âme auprès des équipes pour le succès de cette dernière représentation, émue et fière, je les confie au nouveau régulateur. L’Arcom, sous les feux de la rampe, pourra compter sur leur volonté de s’engager, au côté des agents venant du CSA et sous l’autorité du Collège, pour contribuer à porter une ambition renouvelée au service de la régulation audiovisuelle et numérique en France.

Ce dénouement législatif heureux répondra aussi, j’en suis convaincue, aux lois de la physique telles qu’énoncées par Newton : « Lorsque deux forces sont jointes, leur efficacité est double. »

Monique Zerbib