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Compte rendu du premier RDV Hadopi avec Jacques Toubon - Les exceptions au droit d'auteur

24 janvier 2013

Rencontres conviviales entre l’institution, le grand public, les professionnels de la culture et de l’Internet, les Rendez-vous de l’Hadopi, dont la première édition a eu lieu le mardi 18 décembre 2012 à Paris au café l'Atelier, ont pour objet de décloisonner les points de vue et d’échanger sur les sujets relatifs à l’offre légale en permettant à chacun des participants de s’exprimer.

Cette première édition a réuni autour de Jacques Toubon – membre du Collège de l’Hadopi – experts, journalistes, universitaires et professionnels à l’occasion de la publication, le 23 novembre dernier, de la synthèse des contribution reçues à la consultation lancée dans le cadre du chantier sur les exceptions au droit d’auteur et aux droits voisins.

Etaient notamment représentés le Ministère de la culture et de la communication, la BnF (Bibliothèque Nationale de France)l’INA (Institut National de l’Audiovisuel), l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale, l’association PAJ (Association des photographes, auteurs et journalistes), la Sofia (Société française des Intérêts des auteurs de l’écrit), l’ADVBS (Association des donneurs de voix et des bibliothèques sonores), Le Monde, ElectronLibre, BFM.

1. Les fondements du chantier « Exceptions au droit d’auteur et aux droits voisins »

 Objectif général du chantier

Le chantier « exceptions au droit d’auteur et aux droits voisins » a été lancé le 24 octobre 2011 par le Collège de l’Hadopi et a été confié à Jacques Toubon, membre du Collège de la Haute Autorité.

Il a été initié avec l’objectif général de rendre compte de l’effectivité des exceptions à l’heure du numérique, de mesurer l’adéquation des exceptions aux nouveaux usages et d’identifier les entraves éventuelles aux usages licites permis par les exceptions. Ce chantier s’inscrit au croisement de plusieurs des missions de l’Hadopi : la mission d’observation des usages licites et illicites, y compris au titre des exceptions, et la mission de veille et de régulation des mesures techniques de protection qui peuvent entraver le bénéfice de certaines exceptions.

Les grands axes de travail du chantier

Le chantier s’est déroulé en deux temps :

  • Une période de réflexion pour mettre en place un questionnaire avancé qui a été envoyé à 300 organisations ou personnes intéressées. Quarante-deux d’entres elles ont répondu. Jacques Toubon a néanmoins regretté que les principaux ayants droit et les SPRD (Société de perception et de répartition des droits) n’aient que peu répondu.
  • La rédaction et la diffusion d’une synthèse des contributions, laquelle fait ressortir que les contributeurs estiment dans leur majorité qu’il faut solidifier le système d’exceptions au droit d’auteur et au droit voisin déjà existant, en l’améliorant sur quelques points, notamment la conciliation entre les mesures techniques de protection (MTP) et l’effectivité des exceptions, sans toutefois le révolutionner.


Sur cette base, M. Toubon a proposé qu’un colloque soit organisé à Paris, mi-2013, réunissant des universitaires et des chercheurs. Il permettrait d’approfondir les problématiques liées à l’effectivité des exceptions au droit d’auteur et au droit voisin, ainsi que les contributions reçues dans le cadre du chantier, en réunissant des intervenants internationaux.

2. Pour une régulation des exceptions ?

Jacques Toubon a souligné la complexité de la conciliation entre la protection du droit d’auteur et les exceptions au droit d’auteur. Selon lui, il n’est pas possible de trouver des solutions sans une régulation. Il lui semble donc pertinent de confier cette mission à un régulateur indépendant capable de répondre aux questions qui lui sont posées.

• Un participant a interrogé M. Toubon sur sa vision de la régulation en matière d’exceptions au droit d’auteur et notamment sur les pouvoirs qui devraient lui être confiés.

Le régulateur des exceptions devra être capable de répondre aux nombreuses questions qui peuvent se poser lors de la conciliation entre les exceptions au droit d’auteur et la protection de ce dernier, d’éclairer les acteurs du marché sur les conditions d’exercice des exceptions car il y a un véritable besoin de clarification des modalités d’exercice des exceptions. Les pouvoirs d’un tel régulateur seront un des sujets qui pourront être évoqués dans le cadre du colloque à venir.

M. Toubon a également insisté sur le fait que la culture et le numérique ne sont pas et ne doivent pas être opposés, car il ne peut y avoir de développement économique possible, sans valorisation des contenus culturels sur Internet.

• Un participant a exprimé une certaine réserve quant à l’efficacité d’une instance de régulation.

M. Toubon a répondu que – selon lui – une autorité de régulation était aujourd’hui nécessaire, l’Europe s’étant concentrée sur les « tuyaux » et pas assez sur les contenus. En effet, l’Union européenne a mis en place un système de régulation de plusieurs secteurs économiques tels que : les transports, la télévision, la concurrence, les marchés publics, le Paquet Télécoms etc. Selon M. Toubon, la régulation des contenus n’est pas prioritaire pour l’Union européenne, l’intérêt économique étant trop faible.

3. L’avenir de l’offre légale

Un participant a interrogé M. Toubon sur l’avenir de l’offre légale, sur les différents leviers de développement dont disposent les plateformes européennes de vente, de distribution et de diffusion de contenus culturels sur Internet.

M. Toubon a répondu que l’année 2013 serait certainement l’année du développement de la VOD et des services de télévisions de rattrapage, notamment via l’arrivée de nouveaux acteurs internationaux en France.

M. Toubon a estimé qu’un tournant a eu lieu lors de la signature des 13 engagements pour la musique en ligne signés le 17 janvier 2011 entre l’ensemble des parties prenantes du secteur de la musique en ligne. Les ayants droit du secteur de la musique ont alors considéré que les plateformes n’étaient pas des concurrents, mais de nouveaux vecteurs de diffusion avec qui il fallait collaborer.

M. Toubon a également annoncé qu’il allait s’entretenir avec les principaux représentants de la filière afin d’effectuer un tour d’horizon sur les mesures prises dans le cadre des 13 engagements et ainsi en assurer le suivi et évaluer les éventuelles nécessités d’adaptation.

• Un participant a demandé à M. Toubon si une régulation de l’offre légale serait opportune et dans ce cas là, quel devrait être son pouvoir.

M. Toubon a déclaré qu’il fallait éviter de refaire la même erreur que la musique en son temps, qui a laissé les acteurs internationaux se positionner à la place d’acteurs locaux. Il a estimé pour cela qu’il fallait développer des batteries d’outils tel que les crédits d’impôts pour créer un terreau de plateformes européennes d’offre légale respectueuses du droit d’auteur, et rémunératrices pour les ayants droit.

Partant de ce constat, Jacques Toubon a suggéré la mise en place d’un régulateur, auquel il reviendrait, à travers le déploiement de différents instruments adaptés aux différents objectif poursuivis, la charge de poser les conditions pour le développement durable d’une offre culturelle légale abondante, qu’elle soit gratuite ou payante.

4. Pour une adaptation de la chronologie des médias

• Un participant a interrogé M. Toubon sur la pertinence de la chronologie des médias.

M. Toubon a estimé que deux certitudes subsistaient :

  •  Pour le cinéma, la salle restera pendant longtemps le vecteur d’exploitation principal. Tout système économique qui irait à l’encontre serait contreproductif.
  • Dans le même temps, il ne sera possible de lutter contre les nouveaux acteurs de la VOD que si les acteurs déjà implantés sont capables de diffuser des œuvres que les spectateurs désirent voir au moment où ils le veulent. Cela implique pour les titulaires de droit, les plateformes et les diffuseurs de ne pas s’enfermer dans une position conflictuelle.


5. Sur la mission « Acte II de l’exception culturelle »

Selon M. Toubon, la Mission « Acte II de l’exception culturelle » doit réfléchir aux exceptions, car il n’y aura pas de développement de l’offre légale sans une régulation entre la protection du droit d’auteur et les exceptions au droit d’auteur, et sans une régulation des relations entre les ayants droits, les éditeurs de service, et toute la chaine de la création.

Pour lui, l’un des objectifs de cette mission est de permettre un développement de l’offre légale en octroyant des conditions de compétitivités favorables aux entreprises françaises et européennes.

6. Pour une harmonisation fiscale européenne

M. Toubon a également été interrogé par un participant sur de potentielles réponses communes aux distorsions de concurrences fiscales.

M. Toubon a répondu que les acteurs européens contrebalançaient l’optimisation fiscale des acteurs internationaux en coupant certaines de leurs dépenses, notamment de marketing et de communication, ce qui empêche un bon développement de l’offre légale européenne.

Partant de ce constat, M. Toubon a estimé que la problématique principale est alors de concilier la souveraineté fiscale et une collaboration fiscale entre les différents États européens. Ce dernier a également plaidé pour un régime plus homogène de TVA en Europe.

Le compte rendu détaillé de la rencontre est disponible sur ce lien.